dimanche 1 mai 2011

"Recommence, liquide"

Et JB, qui travaille consciencieusement, se demande s'il peut traduire:
(…) Sœurette ouvre la porte avec fracas (…)

Certes, on ferme une porte avec fracas. Mais est-ce qu'on peut l'ouvrir avec le même fracas?
En proie au doute, JB va vérifier dans le Trésor de la langue française. Il consulte l'entrée du verbe ouvrir. Dans le moteur de recherches de Safari, il tapote fracas, ce qui ne lui donne aucun résultat. Toutefois, tout en haut, il trouve le syntagme suivant (et c'est lui qui souligne):

− Loc. Ouvrir grand (qqc.2). V. grand III B 1 a.
− En partic. Ouvrir le robinet du gaz.

Forcément, JB pense à Le canari est sur le balcon, que Gainsbourg avait composé pour Jane Birkin en 1969, qui n'était donc pas seulement une "année érotique", puisque la terrible chanson commence ainsi, par cette musique et surtout par ces paroles:



Oui, c'est décidément terrible.

Et tant pis s'il y a une légère différence de sens entre l'exemple du TLF, "le robinet du gaz", et le syntagme induit par la chanson: ‘le robinet de gaz’.
• Dans le premier cas, l'article du introduit un complément de relation: il détermine le rapport entre possesseur (= gaz) et possédé (= robinet), on pourrait à la limite le remplacer par un adjectif. Il correspond donc à un génitif dans les langues à déclinaisons.
-> le gaz a un robinet
• Dans le deuxième cas, l'article de introduit un complément de caractérisation: il détermine le type de robinet auquel on a affaire, le rapport est donc inversé par rapport au complément de relation.
-> le robinet est pour le gaz
L'exemple cité par les grammaires et glosé par les grammairiens est celui de:
le chien du berger vs le chien de berger
Soit:
le chien qui appartient (non pas au curé mais) au berger propriétaire des moutons
vs
le chien destiné à garder les moutons (dont le berger comme le curé peuvent être propriétaires)


Bon.
Ceci posé, JB continue de traduire et apprend que, oui, on peut ouvrir une porte avec fracas (et là encore c'est lui qui souligne):
 P. ext. Grand bruit comparable à celui que fait quelque chose en se cassant. Avec le bruit du tonnerre et le fracas de l'orage (BonaldEssai analyt., 1800, p. 70). Les portes s'ouvrirent avec fracas (AboutNez notaire,1862, p. 141).

JB est content, il a résolu son problème lexicographique, il peut passer à autre chose.
Sauf que. Entre-temps, dans son mange-disque électronique, Jane Birkin, increvable intarissable, a continué de chanter. Elle entonne à présent la Ballade de Johnny Jane, et c'est pile à ce moment que JB entend ce couplet sans doute moins terrifiant que la phrase précédente mais qui n'en est pas moins un peu serre-kiki quand même:



Oh là là là, se dit JB dans son for intérieur décidément pas fort du tout. Il faut absolument changer de disque, là.
Sauf que. Quand il finit le chapitre où se trouvait la porte censée s'ouvrir avec fracas, quel est le titre du suivant? Bingo:
Selvmordforsøg nr. 2
Que JB n'a pas d'autre choix que de traduire comme il le dit:
Tentative de suicide, deuxième

Oh naan, hein. Pff…
Bon, on va imiter Jane, qu'on réentend du coup:



Eh oui, c'est ça aussi les aléas de la traduction. Parfois, il faut se blinder au maximum, sinon, on finit en vrac.
Alors mieux vaut conclure sur une autre injonction de Jane et de Serge, à savoir celle-ci:

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