vendredi 25 février 2011

Une capsule de survie ou: My sweet Lord

Et JB écoute ce disque de Byron Lee & The Dragonaires, sorti en 1970:


Et, en voyant la pochette qui représente une version stylisée d'une capsule spatiale après son amerrissage, JB pense forcément au roman inquiétant de Johan Harstad qu'il n'a pas encore traduit, intitulé Hässelby, dont la fin apocalyptique voit quelques personnages (du moins: ce qu'il reste de l'humanité) s'embarquer sur une espèce de radeau de survie qui a été réellement inventé dans la réalité non plus de la fiction mais de la vraie vie. Manfred Binder en est le concepteur et on regarde tant l'homme que l'objet:



Rebaptisé le Léonard de Vinci de Rüsselheim (la ville où il réside), Manfred Binder part du principe que la prochaine catastrophe viendra de la fonte des glaciers: la montée des eaux consécutive viendra recouvrir les terres que les humains ne pourront plus habiter. Ils devront alors non seulement trouver d'autres endroits pour vivre, mais tout simplement: vivre, survivre. D'où son idée de créer une "capsule de survie" dont il présente ici le prototype. Alors certes, Manfred admet qu'il ignore combien de passagers pourront embarquer sur ce qu'il appelle également son "île flottante", et qui n'a pour le coup rien à voir avec le dessert. N'empêche, grâce à l'énergie solaire, elle pourra être autonome, assure-t-il.

Alors évidemment, JB le voit d'ici, tous ses petits amis ricanent en regardant ces élucubrations. Mais JB, lui, qui ne peut jamais penser comme tout le monde et doit constamment faire son original, est fasciné par les projets pot-apocalytpiques de Manfred. Il les trouve profondément rassurant à plusieurs titres. D'une part parce qu'ils infirment et confirment à la fois le proverbe "Après moi, le déluge" — et, ce faisant, réduisent en miettes ce principe dichotomique inhérent à toute chose et qui empêche a priori le pas de côté, l'éventualité, l'anarchie. D'autre part parce qu'ils s'opposent implicitement à la métaphore du déluge promis par la Bible, où seuls quelques élus trouveront le chemin de la survie, et ils le trouveront uniquement en ayant cette indécrottable foi chrétienne définitivement et irrémédiablement vaine. Enfin parce qu'ils apportent une once d'optimisme lors de nos heures sombres où l'on est en droit de se demander ce qu'il va advenir de nous, catastrophe ou pas, si on va s'en sortir, si on va survivre, si on va continuer à vivre.

Et c'est donc avec toutes ces pensées et toutes ces conjectures que JB le mécréant, l'anticlérical et le bouffeur de curés (et de pasteurs, popes, rabins, imams, etc.) écoute Byron Lee interpréter My Sweet Lord, oui, la reprise du tube de George Harrison:



Mais dès les premières notes, les sens de JB sont en éveil. Cette version, il la connaît bien. Mais pas interprétée par Byron Lee. Et il la connaît d'autant mieux qu'il voulait la faire écouter à ses petits amis en juillet 2010 dernier sur le blog tatoué et fumeur. Il avait même préparé une petite image des différentes versions qu'il possède dans son mange-disque électronique et qu'il a conservée grâce à Time Machine, la mémoire universelle et éternelle de son ordimini:


Oui, voilà: c'était la version par Keith Lyn. Et, en fait, cette version a été orchestrée par Byron Lee en 1971, puisque ce dernier a été le roi de la reprise.
Ce que les petits amis de JB peuvent aussi constater, c'est qu'il la peu écouter au regard de l'autre version du morceau par les Rudies, qu'on écoute maintenant:



Et cette version, JB l'adore définitivement et à jamais. Et à maints égards. D'abord, bien sûr, parce que toutes les références religieuses du texte ont été quasiment gommées: plus de "hallelujah", plus de "hare krishna", mais juste ce "my sweet Lord' qui, ainsi débarrassé de ces oripeaux hiératiques, peut définir quiconque, à commencer par un être cher, un être aimé, un amant, un mari, un ami, n'importe qui sauf le Seigneur Saigneur. Du même coup, le morceau ne se réduit plus à une espèce de prière, du supplication religieuse aussi illuminée qu'absurde. Il devient ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être: une ode destinée à quelqu'un qu'on aime et/ou qu'on admire et en tout cas dont on a besoin, quelqu'un qu'on remercierait en chanson, dont on louerait les qualités pour soi, un peu égoïstement certes, mais nettement moins déjà puisqu'on en ferait profiter les autres.
La reprise, JB l'adore également parce qu'elle est un énième spécimen de ce son early reggae qui met en avant l'orgue Hammond et les guitares, avec cette syncope caractéristique du son jamaïcain. À cet égard, la version par Fitzroy Sterling est encore plus dans le ton, qui lorgne déjà vers le skinhead reggae. On écoute:



Bon, si on fait abstraction des paroles agaçantes, musicalement, la reprise est aussi entêtante que la précédente. Quant à la version par Ken Lazarus, elle n'apporte rien de ce que les autres ont déjà fait entendre. Enfin, pour ce qui est de l'original par George Harrison, il verse trop aux oreilles de JB dans la dévotion christique pour qu'il ait envie de la faire entendre sur le blog tatoué et fumeur — mais on peut l'écouter (en rageant de concert avec les chœurs gospel) ici.

Il n'empêche.
Pour JB, eu égard aux contingences et aux conjectures, toutes aussi apocalyptiques les unes que les autres, My Sweet Lord est un beau et doux remède, en espérant seulement qu'il ne soit pas une cautère sur une jambe de bois piquée de part et d'autre d'épodopage.

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