lundi 14 février 2011

Le sphinx et la phalène

Et Sara parle de:
Den svarta dödsfjärilen
Autrement dit:
Le papillon de mort noir

Ouiii…

JB subodore qu'il s'agit d'un papillon bel et bien existant mais que, en même temps, il peut s'agir d'une création poétique. Les phrases précédentes disent en effet:
Ma figure dans la glace semble appartenir à une enfant ou à une arriérée. Je suis une enfant et je n’aime pas être une enfant, cela ne me convient pas du tout. Je n’aime pas me regarder dans une glace. Les miroirs et les glaces me kidnappent. (…) En fin de compte je me regarde si longtemps dans la glace que j’ai l’illusion de croire qu’un papillon va sortir de ma bouche.

Comment traduire?
Une recherche sur gougueule lui fournit six occurrences sans que celles-ci soient d'aucune aide traductionnelle quelconque.
Mais en cherchant davantage, JB trouve le fameux sphinx à tête de mort. Ou acherontia atropos:


Donc dödskallesvärmare en suédois, soit la traduction très exact de la taxinomie française, sachant tout de même que svärmare signifie également “rêveur” en suédois.
Sur Wikipédia, JB trouve l'explication suivante:


Jusqu'ici, symboliquement et métaphoriquement, tout coïncide.
Puis vient la précision culturelle suivante:


Oui, bien sûr, le film de Luis Buñuel de 1929. On revoit les images en question, mais on peut visionner ce film surréaliste (au propre comme au figuré ici).






Enfin gros plan sur la tête de mort du sphinx:



Bon.
Il y a donc ensuite, en 1991, Le Silence des agneaux de Jonathan Demme et, oui, c'est vrai, songe JB, on se souvient bien de cette photo de Judie Foster dont la bouche est masquée par un papillon:


Et, souligne Wikipédia, le sphinx est traduit dans la version française du film par "phalène à tête de mort". Or un site d'entomologiste, JB trouve également la précision suivante:
La phalène à tête de mort, à ma connaissance, n'existe pas, à la différence du sphinx tête de mort. Les sphinx sont de grands papillons nocturnes et bon voiliers. Le sphinx tête de mort ou Acherontia atropos est originaire d'Afrique tropicale.
Hum… Que faire?

En cherchant phalène + mort, JB tombe évidemment sur la nouvelle de Virginia Woolf, La mort de la phalène, et il s'en veut de ne pas y avoir pensé directement:


Sauf qu'une phalène est un papillon éphémère.
Que faire?
À qui être fidèle?

D'un pur point de vue grammatical, la traduction littérale du syntagme de Sara fonctionne mal: le français n'aime pas trop les compléments de relation couplés d'un adjectif, il y a alors euphonie, on ne sait jamais trop si l'adjectif épithète se rapporte au complément ou au nom complété.
Au niveau du sens, la phalène à tête de mort est un contresens scientifique mais une allusion culturelle qui de surcroît correspond assez exactement à l'image restituée tant par Sara que par le film de Jonathan Demme. Toutefois, on est plutôt tenté de créer une correspondance avec Virginia Woolf qu'avec le réalisteur américain, et ce malgré la présence dans son film de Jodie Foster.
D'un pur point de vue traductionnel, Sara n'emploie pas le terme sphinx à tête de mort et, en suédois, il y a bien une répétition du mot papillon = fjäril jusque dans la composition.
Et si on coupait la poire en deux?
Et si on disait:
Un papillon à tête de mort
Le contexte narratif est celui de cette jeune fille qui vieillit à toute allure te se regarde dans la glace. Le lecteur sait déjà qu'elle va mourir, aussi, et puisque Sara crée une composition que le Dictionnaire de l'Académie suédoise ne recense pas, JB se sent libre de créer à son tour un syntagme, il élimine l'adjectif noir et s'en tient à son ultime proposition.

Et basta.

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