lundi 15 novembre 2010

Le pincement (des fesses)

JB traduit Erlend Loe.

Résumé des épisodes précédents:
Kurt doit partir comme les copains en grandes vacances et donc la famille part (en Fenwick) direction la Vallée des Moumines. Seulement voilà, Kurt s'endort et précipite la famille et le Fenwick dans la rivière. Heureusement qu'ils avaient un canoë attaché au toit du véhicule! Grâce à lui, ils vont pouvoir flotter et naviguer. Mais…
Mais ils échouent dans une communauté religieuse dirigée par la rosse Christine Sado (un de ces jours, JB reviendra sur ce nom, ainsi que celui du Berger Roger), laquelle explique, en parlant de Bud (et c'est JB qui souligne):
Vous avez un garçon exquis, dit Christine Sado à Kurt et Anne-Lise. Mais d’une insolence, hélas, excessive. Le Berger Roger, notre ancien pasteur, disait toujours que les enfants insolents, il faut leur pincer le zizi. Et nous, dans la congrégation Ping-Pong, on trouve ça non seulement tip-top mais sacrément bien dit. Ça n’a pas besoin d’être un pincement très douloureux, cela va de soi. Mais juste ce qu’il faut de fort pour que le bambin y réfléchisse à deux fois quand à nouveau il lui passera par la tête l'idée saugrenue de vouloir être insolent. Si vous voulez, je vous montre comment vous devez procéder.

Et donc JB se demande si on parle vraiment, en l'espèce, de pincement.
Pour lui, on parle plutôt de pincement au cœur, de pincement de nez, des lèvres, mais… des fesses (ou du "zizi", en l'occurrence)? Certes, on dit pincer les fesses, mais est-ce qu'on parle de pincement de fesses?
La question se pose, et JB se la pose — que ce soit clair entre lui et ses petits amis.

JB sait que dans certains cercles, ou plutôt dans une certaine grotte où vivent certains ours en peluche, on parle de pinçou.
JB, conciliant et sérieux, va vérifier les occurrences de pinçou dans gougueule.
Et il y en a. Mais seulement en portugais. Sim!
Intrigué, JB va chercher ce que signifie pinçou en portugais. C'est le verbe conjugué à la troisième personne du singulier au passe-simple, le verbe à l'infinitif étant pinçar. La preuve:


Et ça veut dire quoi, au fait, pinçar?
Vous pincez pensez, mes petits amis, que ça veut dire penser pincer?
Eh bien non!


Sim! Obrigado!

Bon, toujours est-il que JB a un pincement sur le feu et que ce pincement est en train de prendre au fond et de sentir le roussi.
Que fazer? se demanderait-on portouguèsche!

On va regarder sur la base des synonymes dont le nom ne nous lasse jamais puisqu'elle s'appelle CRISCO, et on trouve:


Oui, peut-être qu'il faudrait procéder par ordre et aller vérifier le sens de pincement sur le TLF - lequel nous indique:


L'intuition de JB était la bonne.
Grosso modo, on parle du pincement de quelque chose qui n'est pas une partie du corps. Pour celles-ci, le pincement est soit la conséquence d'une action d'une chose inanimée (le vent qui pince la figure), soit le résultat d'un mouvement que l'on pratique sur une partie de son propre corps pour manifester un mécontentement, un dégoût.
Or, certes on peut se pincer les fesses pour manifester son mécontentement, mais on risque fort d'être pris pour un hurluberlu. Quant au pincement des fesses d'autrui, pour les raisons indiquées supra, il ne semble pas en usage dans le langage courant. Toutefois, JB étant un peu le Saint-Thomas de la lexicographie, il va vérifier les occurrences dans gougueule:


Effectivement, 534 occurrences, ce n'est pas beaucoup. C'est même d'autant moins que "pincer les fesses" donne 112 000 occurrences. C'est dire! Et comme l'indique l'accroche de l'article de Sportweek, le pincement de fesses n'est pas autorisé. Donc en traduction non plus.
Mais, une seconde, mes petits amis… C'est quoi cette histoire de "pincement de fesses non autorisé"??? Intrigué, JB découvre:


Ça alors!
Mais le plus étonnant est que le pincement de fesses du titre n'est nullement la réalité du geste perpétré par Anthonny Annan sur André Muri. D'ailleurs, JB doute fortement que ce dernier ce soit exprimé ainsi dans la vraie vie. La phrase (que JB a soulignée en bleu, et il faut que ses petits amis cliquent sur l'image pour bien voir) est trop élaborée. Enfin, bon… Sans vouloir verser dans la proctologie, mais bon…

Oui, en effet: bon.
Le pincement.
La base CRISCO (oui, on reste dans le même champ sémantique, en fait, hein…) indique donc pinçade. Sauf que la pinçade en question n'existe pas. Quid de la pinçure?


Oui, en fait, la pinçure, c'est la même chose que pincement, mais en carrément collet-monté.
Et qu'en est-il alors du pinçage?


Bingo!
On parle effectivement du pinçage de fesses. Ultime vérification dans gougueule qui recrache 752 occurrences, ce qui là non plus n'est pas bézèf et qui montre que la langue française évoque le geste par son action verbale et non par sa dénomination substantivale. Que veut dire JB avec cette formulation française? Eh bien tout simplement que la langue française et donc ses locuteurs insistent non seulement sur le temps de l'action mais sur l'acteur. Le fait que l'emploi soit plutôt verbal que substantival montre à quel point c'est l'action et non le résultat ou la description de celle-ci qui compte.

Tout ça pour dire, aussi, que dans le langage volontiers cocasse d'Erlend Loe et la description complètement farfelue de Christine Sado, le pinçage est parfaitement adapté.


On se quitte, mes petits amis, sur le pinçage de fesses, donc. Et, déjà en 1966, une certaine Cléo, en chantant Les fauves (qui n'est qu'une réplique musicale du Piège à filles de Jacques Dutronc), nous montrait ce que JB vient à l'instant d'expliquer puisqu'elle aussi avait recours à la forme verbale et non substantivale en entonnant: "Un garçon d'ascenseur m'a pincé les fesses à la fin / Plus question de faire du sentiment". Or donc.

Aucun commentaire: