lundi 1 novembre 2010

Le calypso, la littérature, le plagiat

Réveillé aujourd'hui encore aux horreurs, JB se met au travail en écoutant, et il ne sait plus pourquoi, sa compilation maison intitulée Diese Querflöte! = Cette flûte traversière!, qui ne contient que des morceaux de ska et de reggae rythmés par des accords de flûte traversière. C'est devenu une private joke entre G et JB (et JB souhaite une bonne journée à G) qui déclenche chez eux l'hilarité: où qu'ils se trouvent, dans un nighter ou un concert ou dans le palais socialiste de JB, sitôt que résonne un morceau où la flûte traversière résonne, ils éclatent de rire. Toujours est-il que, en ce premier de novembre qui n'est pas férié à Berlin (la Toussaint, cette fête catholique est inconnue sur cette terre autrefois protestante et aujourd'hui quasi totalement laïcisée), JB écoute sa compilation de flûte traversière, constate qu'elle fait 82 minutes, soit 2 minutes de trop pour pouvoir ranger sur un CD qu'il offrira en copie d'abord à G et à N et à F et à tous ceux qui le désirent (il suffit de faire la demande à ce blog tatoué et fumeur), supprime un morceau pour que Ducimenia de The Dynamites puisse être intégré - il regarde le résultat, cela donne ça, et JB est foncièrement satisfait de son bricolage musical:


Et donc JB travaille en écoutant "ses" morceaux à la flûte traversière, se souvient qu'il n'a pas salué ses petits amis et se dit que, tiens, comme N adore le calypso, JB va mettre justement le morceau de Lord Invader, You Don't Need Glasses To See, qui lui permettra par la même occasion de souhaiter une bonne journée tant à N qu'à G. Bon. Il s'exécute donc:



Puis, dans les commentaires au morceau enregistrés sur toitube, JB lit le message suivant:


Quoi? Le Prix Nobel 2001 qu'est V.S. Naipaul parle du calypso dans son roman Miguel Street? Et non seulement ça, mais de Lord Invader? Et non seulement de lui, mais du morceau que JB a mis sur son blog tatoué et fumeur pour saluer tous ses petits amis?! Ça alors…
JB fait illico presto une recherche sur gougueule et obtient, abasourdi, la réponse suivante:


JB n'en revient toujours pas. Il est aux anges. Il trouve que cette semaine ne peut que bien commencer avec une nouvelle pareille.
Il va donc regarder dans les résultats et apprend le phénomène littéraire suivant:


Hein? Quoi? Pardon? Jean Rhys aurait été la première à parler du calypso. La première trace du calypso dans la littérature serait chez Jean Rhys et, qui plus est, dans un roman situé en Jamaïque, le pays du ska et du reggae?!?!?! JB a presque envie d'ouvrir sa fenêtre et de mousser un hurlement dans la rue. Au lieu de quoi, il court chercher ses sels, histoire de ne pas tomber en syncope, inhale, s'assied, a besoin de prendre un moment (comme on dit en anglais) pour rassembler ses pensées. Il résume:
Le calypso est longuement mentionné dans la littérature et pas n'importe laquelle puisqu'on trouve des auteurs comme Jean Rhys et V.S. Naipaul. Jean Rhys, elle a qui a si bien parlé des déclassés et des femmes maltraitées. Le calypso, chez elle, dans une histoire (La Prisonnière des Sargasses, de 1966, que JB n'a jamais lu mais qu'il commande instantanément […] voilà, c'est fait) qui, cerise sur le gâteau skinheadien, se déroule en Jamaïque. Alors là, mes petits amis, si vous voulez faire plaisir à JB, c'est en lui offrant des coïncidences comme celle-ci.
Du coup, JB fait une nouvelle recherche en tapotant: "jean rhys" + calypso + jamaïque. Les résultats ne sont pas forcément fructueux, mais il obtient celui-ci:


Et, s'il savait que le ska et le reggae sont au menu des cours de l'université de West Indies, il apprend à sa décidément jubilante joie que, à l'université de Pittsburgh, le semestre consacré à la littérature des Caraïbes (où les étudiants lisent les romans de, s'il vous plaît, Jean Rhys, V.S. Naipaul, Derek Walcott, Maryse Condé (ouiii!), Aimé Césaire (ouiiiiii!)) oblige ces mêmes étudiants à écouter, lors de la quatorzième semaine de cours, du calypso, du ska, du reggae et de la dub poetry. Forcément pour JB, qui traduit la littérature en musique et souvent avec du ska et du reggae, c'est une nouvelle phénoménale, aussi rassurante que réconfortante pour son activité personnelle en particulier, et pour la littérature en général.

Mais JB revient à Lord Invader et V.S. Naipaul et le morceau You Don't Need Glasses To See. Un article du Monde lui indique pour sa part que:


Hö hö hö! La pique envoyée à Arielle Dombasle qui a offert une "version grotesque" du calypso. Hö hö hö!
Mais… et cet extrait du roman Miguel Street de V.S. Naipaul où il est question de Lord Invader, alors? Le voici:


JB renifle une fois de plus ses sels. Lui qui souffre d'anti-américanisme hyperprimaire est pour le coup comblé. Il n'en revient pas que ce lundi lui fasse tant de jolis cadeaux. Il va du coup chercher le morceau en question, Rum And Coca Cola, et, oui, bien sûr, il le connaît car celui-ci a été "plagié" (dixit un commentaire sur toitube qui fait ricaner JB) par les Ricaines des Andrews Sisters. On écoute le morceau dont parle V.S. Naipaul et que tous les petits amis de JB reconnaîtront à leur tour:



JB est intrigué par cette accusation de "plagiat" qu'il trouve quand même grave. Du coup, il va vérifier dans gougueule, constate qu'il existe moult pages consacrées à l'affaire, et il a un peu l'impression d'enfoncer une porte ouverte: il se dit que tout le monde savait ça et que seul lui sur cette terre, nigaud et ignorant comme il est, n'était pas au courant. Il trouve dans le Wikipédia anglais une page consacrée à la chanson de Lord Invader, composée en 1943:



JB trouve au passage une copie du disque de 1945, qui atteste le plagiat:



Plagiat puisque les noms de Lord Invader et Lionel Belasco ne sont pas mentionnés et que Morey Amsterdam s'approprie la paternité de la chanson et, partant, la propriété intellectuelle et artistique.
JB va ensuite voir sur allmusic et apprend que l'affaire est d'une saloperie crasse bien plus importante encore puisqu'il a fallu attendre sept ans pour que les plagiaires crachent au bassinet:
 


JB, apprenant enfin que Lord Invader est décédé en 1962, a comme un pressentiment: 1962, c'est la première grande année du ska en Jamaïque. Se pourrait-il que…? La chanson ait été reprise…? JB veut en avoir le cœur net et va faire une ultime vérification sur toitube et…

[…]

Excusez JB: il est véritablement tombé dans les pommes. Ses sels n'ont pas suffi. Car il découvre, le décidément nigaud et ignorant, que Prince Buster a chanté une version de Rum And Coca Cola. Une version ska en diable qui ne déparerait pas dans les nighters où JB agite ses hanches en rythme avec la musique et en compagnie de ses petits amis skinhead boys et skinhead girls. On écoute cette impeccable version qui n'est pas uniquement une reprise, mais bel et bien une réinterprétation, datant de 1965, et dans laquelle le Prince ne parle décidément plus de Coca Cola mais, et c'est JB qui souligne, de "coco cola". Déjà, ainsi qu'on l'a entendu tout à l'heure, Lord Invader hésitait entre un O et un A; mais la voyelle devient ici un O résolu et appuyé. On écoute.



JB s'en fout que le Prince chante "coco cola" et non "coca cola", lui qui, dans son Berlin chéri, se fait toujours un point d'honneur, fort (donc) de son antiaméricanisme hyperprimaire, à systématiquement commander un Afri Cola allemand et non un Coca Cola yankee.

Allez, cette fois JB souhaite vraiment une belle et bonne journée à tous ses petits amis.

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