mercredi 25 août 2010

Long Shot

On est à pied d'œuvre dès le matin et on doit traduire un mot simple, rør, qui signifie conduit, tube, mais qu'on ne comprend pas dans le contexte fluvial dans lequel il s'inscrit.
On va vérifier sur ordnett et on trouve, dans les traductions vers l'anglais, le sens suivant:


Et, fatalement, en voyant la traduction d'un locution formée sur le mot rør, on pense au morceau des Pioneers, Long Shot Kick De Bucket, qu'on avait déjà écouté en février dernier, dans un tououout autre contexte, mais qu'on va réécouter.



Produit par Leslie Kong et sorti en 1969, Long Shot Kick De Bucket parle de quoi? D'une… course de chevaux. Le chanteur a parié tout son argent sur Long Shot et le Long Shot en question… "kick de bucket", en français: il a "clamsé" en pleine course. Ce qui fait dire aux Pioneers: "All me money gonna hell" = "Tout mon fric est parti en fumée".
L'allusion aux chevaux, au tiercé, à la course, est loin d'être évidente. Toutes les mentions explicites ont été gommées et si on ne comprend pas que le fameux "pace" n'est autre que "le pas" du bourrin et le fameux "rear" de la phrase "Long Shot on the rear" renvoie à l'arrière de la piste de l'hippodrome, lequel n'est autre que le fameux Caymanas Park dont il est également question, lequel n'est à son tour autre que le parc de Kingston où a lieu la tout aussi fameuse Caymanas Race (une race étant une course) - si donc on ne comprend pas tout ça, on est un peu paumé et on ne sait pas de quoi peut bien parler cette foutue chanson.

Or Long Shot Kick De Bucket n'est pas un morceau original.
Mais une seconde version d'un propre morceau du groupe, sorti en 1968, produit par Joe Gibbs, et qui s'appelait Longshot, en un mot, dans un style plus rocksteady, et auquel s'ajoute parfois, entre parenthèses et pour le distinguer de sa suite "(Bus Me Bet)". On l'écoute:



Dans le morceau original, les allusions à l'hippisme sont très claires et dès le départ: "Him gallop". Les Pioneers nous expliquent ensuite que, malgré les coups de cravache et bien qu'il coure comme un dératé, le pauvre Longshot ne suit pas et finit par mourir. Et oui, c'est une histoire triste où il est davantage question du cheval et non du parieur, comme dans Long Shot Kick De Bucket. Et le Wikipédia anglais de nous expliquer que Long Shot a réellement existé et qu'il est mort en pleine action "lors de sa 203e course".
Une autre histoire pour une autre version qui elle-même connaît une autre destinée.
Certes, Longshot est un hit en Jamaïque grâce auquel les Pioneers vont connaître la gloire et un succès qui ne se démentira plus. Mais ce succès est limité à l'île. Quand, en 1969, sort Long Shot Kick De Bucket, le succès se répète et, à présent, c'est Laurence Cane-Honeysett qui nous raconte la suite de l'histoire, que l'on trouve dans le livret de la compilation produite par Trojan Records en 2001 et intitulée Let Your Yeah Be Yeah: The Pioneers Anthology, 1966 To 1986:


Que nous explique, donc, Laurence Cane-Honeysett?
Unsurprinsingly, the song quickly became a nationwide hit in Jamaica, but bearing in mind its parochial subject matter, its success on the other side of the Atlantic was less predictable. Released in the UK by Trojan, the record was initially ignored by the hugely influential BBC, but following its appearance on a number of independant radio stations, the corporation finally relented and finally added it to their play-list. On October 18th, Long Shot Kick De Bucket crept into the national British Pop charts and over the next few weeks, steadily climbed up the listinfs where it eventually peaked at number twenty-one.
Voilà pour l'histoire.

Mais les interprétations ne s'arrêtent pas là.
En cette même année 1969, le grand repreneur en chef qu'est Byron Lee réinterprète Long Shot Kick De Bucket sur son album Reggay:


L'adapation est correcte, qui fait la part belle à l'orgue Hammond et a un tempo moins soutenu, moins early reggae que dans sa version originale.
On peut écouter le morceau ici et profiter de l'album entier .

Est-ce le phénomène Long Shot et sa mort étonnante (comme une espèce de prédiction au titre On achève bien les chevaux), ou plus directement la fascination que l'on peut avoir face à la mort qui se déroule en face de soi (qu'il s'agisse en l'espèce d'un sportif ou d'un animal)? Est-ce le caractère génial du morceau, tant du point de vue des paroles que de la musique?
Toujours est-il que Long Shot Kick De Bucket va faire des petits. Le cheval Long Shot aura des successeurs, d'autres étalons moins connus mais qui se lanceront la même année dans la course au hit. Le premier s'appelle Burial of Long Shot, est interprète par Prince of Darkness, et on reconnaît sans peine non seulement certaines paroles de même que certains accords voire certaines phrases musicales du morceau original. Quant à cette version, on la trouve pas du tout négligeable, bien au contraire, plus alanguie, avec sa trompette d'autant plus que séduisante qu'elle 1) intervient la première fois comme une immense surprise, 2) est rehaussée par un sifflement vers la fin du morceau qui transforme celui-ci en hit potentiel. On écoute:



En face B, George Lee fournit une version instrumentale, débarrassée d'une trompette remplacée par un saxophone, avec des accents pré dub où on retrouve notamment les notes de vibraphone qu'on entendait déjà dans la toute première version de Longshot (Bus Me Bet) des Pioneers:



Toujours en version instrumentale, mais cette fois carrément identique à Long Shot Kick de Bucket, le Double Shot des Beverley's All Stars qui fait tourner en boucle la phrase musicale du morceau des Pioneers et lui ajoute un long mouvement d'harmonica:



Évidemment, on ne saurait terminer sans la version des Specials, qui s'ouvre sur cet orgaue Hammond que le style 2-tone avait placé au centre de son orchestration. Et on l'écoute plutôt deux fois qu'une cette interprétation en concert de 1980, d'autant qu'elle est suivie par une reprise de l'impérissable Liquidator de Harry J. All Stars, ainsi qu'une troisième reprise… qu'on vous laisse découvrir, mes petits amis.

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