mardi 3 août 2010

Le visage de la compromission

Et donc je traduis la nouvelle de Sara. Et je traduis le passage ci-dessous dans laquelle la narratrice est envisite chez sa mère, internée à l'hôpital pour une maladie dont one ne connaît que le "diagnostic factice", cette mère qui a eu autrefois un jardin ouvrier:
Dans les tout premiers temps consécutifs à son admission à l’hôpital je m’étais essayée au jardinage, pour très vite devoir renoncer puisque je pleurais toutes les larmes de mon corps en pensant au secteur du jardin ouvrier et puisque tous mes rêves commençaient à parler de Leni Riefenstahl et du fait qu’elle avait repris les cultures et qu’elle y élevait désormais de grands paons noirs anthropophages.

Et je me dis: "Oh naaan… Voilà la vieille peau collabo!" Et la seconde d'après, je me dis: "Chouette! Sara va lui régler son compte."
Puis cette histoire de paon et de Leni Riefenstahl m'intrigue. Je vais vérifier sur gougueule, mais même en indiquant la roulure en question + Pfauen (paon en allemand), rien. J'essaie en français. Rien. Jusqu'à ce que je tombe sur ce site proposé:


Et là je me dis: y a peut-être pas de couille dans le potage, mais si c'en n'est pas une, là pour le coup c'est un ovaire.
Rosa Luxembourg et Hannah Arendt à côté d'une nazie?!? Argh! JB tombe en syncope. Vite, ses sels! Il se réveille pour mieux découvrir la présence de la lesbienne de Della Grace Volcano juste au-dessus. JB développe une gangrène fulgurante des orbites oculaires.

Curieux, il va quand même sur le site en question, Die Heldinnen, donc: les héroïnes.
Et en fait c'est une site qui ne parle que de femmes. Qui ne présente que des noms de femmes accumulées sans majuscules ni ponctuation quelconque. Quand on passe la souris sur un nom, celui-ci bleuit et renvoie à un site consacré à l'une des "héroïnes". Voici un capture d'écran avec NOTRE héroïne et d'autres aussi (qui n'est pas lily besilly qui s'affiche en rouge automatiquement, normal, c'est avec nathalie percillier, qui elle s'affiche en violet, les deux conceptrices de ce projet artistique):


Bref, tout ça n'a rien à voir avec les paons et il n'y a rien sur les paons et Leni Riefenstahl. Du coup, JB va revoir ce long entretien, réalisé le 11 mai 1965 pour la chaîne de télévision canadienne CBC, dont JB aimerait retranscrire les 48 premières secondes de deux façons. D'abord le dialogue:
Le journaliste: Leni Riefenstahl… You became famous as… I might say: the focal point of many things that were going on in Germany at the time… Hitler Germany. And… There was at the end of that period… a long silence. This silence, it needs explanation. Why? What has happened?
Leni Riefenstahl: You mean ze time after ze war?
Le journaliste: Yes.
Leni Riefenstahl: Hum… [Long silence.] We have lost ze war. I sink… [Bref silence.] Zat is a question, yes… We have lost ze war.


Maintenant on revient sur le dialogue en expliquant ce qui se passe.

[Leni Riefenstahl fixe le journaliste.]
Le journaliste: Leni Riefenstahl… [Leni Riefenstahl baisse les yeux.] You became famous as… I might say: the focal point [Leni Riefenstahl regarde ses ongles] of many things that were going on [Leni Riefenstahl croise brièvement le regard du journaliste] in Germany at the time [Leni Riefenstahl tourne la tête.]… Hitler Germany. [Leni Riefenstahl se gratte la tête.] And… [Leni Riefenstahl regarde en l'air, la tête inclinée.] There was at the end of that period… a long silence. [Leni Riefenstahl ouvre sa lèvre inférieure avec l'ongle de son auriculaire.] This silence, [Leni Riefenstahl plaque ses phalanges contre sa bouche] it needs explanation. Why? [Leni Riefenstahl le scrute.] What has happened?
Leni Riefenstahl: You mean ze time after ze war?
Le journaliste: Yes.

Et maintenant, on regarde les 14 secondes suivantes seconde par seconde, en les illustrant avec les propos prononcés:

Hum… 
We have lost…
…ze war.
I sink…
zat is a question…
… yes.
We have…
… lost…
… ze war.


On notera qu'elle ne dit pas "L'Allemagne", mais bien: "Nous." Comme quoi l'inconscient est décidément très bien fait. Et du coup, en voyant ça, je comprends pourquoi les Norvégiens insistent autant sur les mimiques des personnages dans les romans qu'ils écrivent. Pourquoi chez Carl Frode Tiller, c'était si important. Puisque, dans le cas qui nous intéresse, ces tics et ses mimiques donnent à voir le visage de la compromission, le visage d'une production prétendument artistique et absolument compromise.

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