jeudi 12 août 2010

Hyper super hypra méga

JB a un petit différend avec une éditrice.
Oh, pas grand-chose. Juste un différend orthographique.
Mais ce genre de différend qui:
• a l'art d'hystériser un JB déjà hyperhystérique en ce qui concerne l'orthographe;
• a le don de le plonger hyper longtemps dans des abîmes tant de stupeur que de réflexion face à cette orthographe française d'une insondable fourberie.

Le différend:


De fait, en validant les épreuves, JB avait, sans doute un peu à la va-vite et sans réfléchir plus avant, biffé d'une croix rouge et rageuse ce qui était à ce niveau des corrections de la part du correcteur (et non des propositions), donc définitives.

JB, hyperhystérique, donc, monte aussitôt sur ses grands chevaux et répond:


Alors, on dit quoi en français correct?
Hyperaiguë? Ou hyper aiguë?

Car entre-temps, avant de répondre, JB était allé vérifier dans ces dictionnaires. Et ça ne faisait pas un pli: il avait tort.
On en conclut: JB est borné et, qui plus est, de mauvaise foi.

Car que dit le Jouette?

© André Jouette © Le Robert

"Le problème orthographique est de réunir le préfixe à la racine, la tendance actuelle est de faire la jonction des deux éléments." Insiste André Jouette. OK, Dédé, mais JB n'est pas convaincu - ni en un, ni en deux mots.
JB maintient son allégation, selon laquelle hyper remplace l'adverbe très. Dans le cas d'un substantif, JB souscrit tout à fait. Mais de la cas de: "J'ai hyper envie de manger des tripes à la mode Caen", non.

JB va consulter son Grévisse. Et que dit celui-ci?

© Maurice Grévisse & André Goosse © De Boeck & Duculot

Grévisse & Goosse confirment les propos de leur collègue Jouette: "Mais il serait bien utile d'uniformiser tout cela, en favorisant l'agglutination le plus possible; c'est d'ailleurs le souhait du Conseil supérieur de la langue française." Argh! Si même eux ils s'y mettent…
On tourne la page. On lit la règle qui nous concerne:

© ibidem
© ibidem

Alors? JB est-il hyper perplexe? Ou hyperperplexe?

JB est en tout cas prêt à faire son hara-kiri orthographique quand il constate que l'Académie valide ce que les grammairiens prétendent.
Mais JB est supertêtu, tout comme il est hyper perplexe.
Vous voyez ce que je veux dire, mes petits amis?
Il est supertêtu de nature, c'est-à-dire tout le temps, mais il est hyper perplexe au moment T où il lit ce que les grammairiens et les académiciens écrivent.
Vous ne voyez toujours pas?

Parce que, pour faire une parenthèse, deux choses:
1) Grévisse et Goose affirment noir sur blanc suivre (et c'est JB qui souligne) "d'ordinaire, pour l'orthographe, l'usage de [leurs] sources, et notamment de l'Académie". Sous-entendu: françaiaiaise. (Même si les auteurs sont belges.) Or, dans ces mêmes recommandations qui prévoient donc la soudure de hyper et super avec le mot qu'ils précèdent, l'Académie insiste pour ne plus accorder le participe passé du verbe laisser quand il est suivi d'un autre verbe, lui à l'infinitif. Exit donc la nuance (qu'on soulignait ici) entre Ginette s'est laissé séduire (sous-entendu: Ginette a laissé Nadine LA séduire) et Ginette s'est laissée séduire (sous-entendu: Ginette a pris une part ACTIVE dans la séduction de sa personne par Nadine). Et donc, dans cette nuance désormais bannie par l'Académie, Grévisse et Goosse, eux, insistent pour que les locuteurs la fassent.
2) J'écrivais le mot hara-kiri plus haut; or, à en croire l'Académie, on écrit déosrmais harakiri sans trait d'union. Néanmoins, Jouette continue d'écrire hara-kiri.
Conséquence: nos chers grammairiens suivent l'Académie quand ils le veulent bien.

JB est forcé de s'expatrier s'il veut trouver une réponse à sa question.
Et c'est, comme souvent en grammaire et en orthographe, ses petits copains québécois qui non seulement le renseignent avec clarté - JB insiste et souligne: avec clarté -, mais lui donnent raison.
JB en veut pour preuve:


Alors?
C'est pas simple comme bonjour quand c'est expliqué comme ça?
JB avait raison d'être hypertêtu, puisque c'est sa nature.
Et JB est, en ce moment, hyper content car il relâche son français et dit hyper dans le sens de très, extrêmement qui n'est plus un suffixe adverbial mais un adverbe d'intensité.

Comme quoi, si on modifie l'orthographe sans prendre en compte la grammaire, on n'est pas rendus - comme on dit dans le Poitou natal de JB.

Dans sa traduction, JB a employé hyper et super dans un registre justement relâché, sinon familier. Et, après vérification, il a donné raison au correcteur (et plutôt deux fois qu'une) à chaque occurrence où il se trompait. Par exemple: "ça c'est de la superbagnole", c'est-à-dire: ce véhicule est un Superman de la voiture, il est au-dessus des autres. De même, et parce que le personnage parle un norvégien (et donc un français) plus soutenu, il dira de tel sourire qu'il est "hyperprofessionnel". Par ailleurs, il l'est tout le temps, certes (et on l'espère!) dans le contexte professionnel, mais dans ce contexte, il l'est continûment.
La question peut se poser pour la phrase: "Des épaules hyper fines et des hanches hyper larges." S'agit-il d'un état de fait qui implique la soudure? Ou bien s'agit d'un point de vue, émis par quelqu'un qui a de plus un langage plutôt relâché, auquel cas il n'y a pas agglutination? La logique voudrait qu'on opte pour la première option. Et on suivra la logique. Et puis ça ajoute au côté jugement qui, dans ce roman, est toujours présent: tel personnage a un avis sur tel autre personnage, un avis a priori bien tranché, mais qui, se rend compte le lecteur, se révèle complètement erroné quand il lit ce que pense le personnage #3 du personnage #2.

Quand JB, en guise de conclusion, va consulter son iTunes, il voit que les artistes hésitent. Neil Hannon irait dans une logique académicienne en titrant Death of a Supernaturalist. Massive Attack parlent de la même manière de Superpredators et Sonic Youth de Superstar. Mais Rupie Martin propose un Super Lotus.
Alors on écoute quoi?
Rupie Martin avec son orgue Hammond de killer (comme on dit de nos jours, raccord avec le langage relâché qui impose de ne pas agglutiner le super au lotus)?
Ou Neil Hannon parce qu'il cite Dante en samplant un extrait de dialogue tiré de Chambre avec Vue, le film de James Ivory tourné en 1986 et adapté du roman de E.M. Forster, et parce qu'il dit: "See my solitude / Where once was truth now only doubt / Touch my tortured skin / Torn from within and from without / Kiss my blistered lips / My fingertips / Frost-bitten and grey / Heal my wound within / And watch the dead skin fall away"??

Comme la vidéo de Death of a Supernaturalist est ringarde à mort, c'est Rupie Martin qui remporte la mise. Et woilà:

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