mercredi 21 juillet 2010

Question cache-poussière

Et voici JB confronté à une énième question cache-poussière - un syntagme maison inventé par M. et JB puisque JB, un beau jour de 2002, devant traduire le terme manteau cache-poussière (et il ignorait qu'un tel vêtement existât), interrogea M. sur la nature et l'identité d'un tel frac; et M., qui en connaissait et en connaît toujours plus qu'un rayon niveau étoffes, de rester pantois face à l'ignorance crasse de JB.

Voici donc JB en butte à une question cache-poussière, lui qui doit traduire du suédois cette phrase de Sara Stridsberg (et c'est JB qui souligne):
(…) och han lät sin handflata vila lätt på min manchesterklädda bak (…)
Autrement dit, et on met un XXX à la place du mot à trouver:
(…) et il laissait sa paume indolemment posée sur mes fesses revêtues de XXX (…)

L'adjectif manchesterklädda est composé de deux mots: secundo du participe passé adjectivé klädda qui signifie revêtu, et primo du terme manchester. Si on reconnaît sans peine la ville anglaise, il ne s'agit pourtant pas du nom propre équivalent mais bien d'un nom commun renvoyant à un tissu. Mais lequel?

Si M. est le pro du tissu, JB est le pro non pas du pot mais du mot (hö) et notamment de sa recherche. Que fait-il donc? Il file fissa sur Wikipédia dans sa version suédoise, trouve le mot en question, regarde à gauche dans la liste des langues recensant le terme - puisque, pour les termes techniques, Wikipédia est quasi imparable pour trouver une traduction juste. Las, la langue française semble ignorer le tissu manchester. Constatant que l'incontournable langue anglaise est référencée, il clique dessus et découvre non sans stupeur que la traduction dans l'idiome shakespearien n'est autre que corduroy - ce qui fait une belle jambe à JB.
Nonobstant, les sens de JB sont en alerte puisqu'il n'en est pas à sa première traduction du norvégien des termes cordbukser ou cordfløyel dont il sait qu'ils signifient respectivement pantalon en velours et velours côtelé. Se pourrait-il qu'il en fût de même? Se pourrait-il que manchester, corduroy et cordfløyel fussent de la même farine?

Ni une ni deux (ni trois d'ailleurs), JB fonce vers le site américain answers.com, introduit corduroy dans le cadre de recherche, parcourt brièvement la définition, mais piaffe à l'idée de découvrir les traductions dudit terme, puisque le site en question propose généreusement cette option. Et là, que s'inscrit sous ses yeux ravis?


C'est gagné (mais ce n'est pas la varicelle - oui, souvenez-nous de cette réclame dans les années 70 pour le jeu de société Allô docteur? où un mioche s'exclamait: "C'est gagné! C'est la varicelle!". C'est gagné, donc: manchester et corduroy et cordfløyel et velours côtelé ne sont qu'une seule et même entité. La question qui taraudait JB a trouvé solution. Et JB d'être doublement aux anges puisqu'il adore le velours. Jour et nuit, en camping ou au bal, JB porte des habits en velours. Récemment il a fait l'acquisition d'une veste New Man en velours pour la modique somme de 1 euro. Les voici tous deux réunis:


Pour le cliché et la mise ci-dessus, JB s'est fait aider (puisque, pour re-citer M.: on n'est jamais trop aidé) de son coach ès-velours - et on admire le nœud en guise de finale touche.
De même, JB s'est dégoté pas plus tard qu'il y a une minute ce pantalon en velours moutarde, certes pas côtelé, mais velours et moutarde malgré tout, pour lequel il vient également de débourser la super modique somme d'un euro symbolique. On regarde, d'autant que JB a hâte de recevoir l'article en question pour pavaner avec dans les nighter avec ses rudeboys de potes:



Mais JB jase, il jase, il jase…
Car, pour en revenir à l'objet de ce post, JB n'est pas satisfait pour autant. Sa curiosité titillée, il se demande à présent ce qui peut unir la ville de Manchester avec le corduroy (la corde du roi?) et le velours, qu'il soit côtelé ou pas.
Du coup, il reprend ses recherches. Et là, il tombe sur un site britannique consacré aux vêtements pour petits garçons (boy's clothing en anglais dans le texte) et JB se dit que c'est un site fait pour lui, lui qui est un grand enfant.
Il lit l'explication suivante:
Corduroy is a distinctively recognizable ribbed fabric. Corduroy is often reported to be a French fabric, literally "fabric of the king". This appears to be an erroneous report. Corduroy instead appears to be a late-18th century English invention and initially worn by people of humble circumstances. Cotton corduroy was widely used by workers in the 19th century and became a popular children's fabric by the early 20th century because of its warmth and durability. American boys commonly wore cord knickers to school in the fall and winter. British and French boys more commonly cord shorts. Some schools adopted school uniforms. The German Wandervogel often wore cord shorts as French Scouts did later. Corduroy was eclipsed by denim after World War II, but is still popular for children's clothing.
Corduroy is a fabric in which a ribbed effect is produced on one side by regular "rows" or "cords" of pile similar to the pile on velvet. Corduroy is primarily made from cotton, but it can also be made of wool and more recently synthetic fibers.

Que le velours côtelé ait été éclipsé après la Seconde Guerre mondiale par le denim (le jean, quoi) est un scandale que JB n'aura de son vivant de cesse de dénoncer. Que le velours côtelé puisse être fabriqué en matières synthétiques est à la base un second scandale en soi, mais JB adorant les nippes en nylon, il a hâte de s'en procurer un - quitte à se flageller pour cet affront à son étoffe chouchou.
Mais si JB revient à ses moutons linguistiques, il apprend la chose terminologique suivante:


Ainsi donc, Allemands, Néerlandais et Suédois nomment le velours côtelé manchester car il a été fabriqué à l'origine non loin de la ville anglaise éponyme. Mais JB est bien marri de découvrir que la langue de Molière, la sienne donc, entretien(drai)t une confusion qu'il trouve aussi fourbe que fatale.
Les Français mélangeraient donc velours et velours côtelé? Que nenni! JB tient à s'inscrire en faux face à cette allégation francophobe et velourscôteléophobe! Seuls les non-velourscôteléophiles ignorent la distinction - nuance!

Dans cette explication linguistique et lexicographique, le regard acéré de JB note la présence du mot anglais velveteen, un terme qu'il a toujours adoré, dont il a toujours adoré la sonorité, les allitérations et assonances. Et du coup, il repense à la toujours aussi impeccable chanson des Pixies, Velouria, de 1990, qu'on a déjà pu entendre sur ce blog tatoué et fumeur lorsqu'il avait été question de l'instrument le thérémine. Aussi le réécoute-t-on en guise de conclusion, en ouvrant bien grandes ses esgourdes enchantées et en entonnant: "Oh velveteen! My velouria, my velouria, even I will adore ya!"

Aucun commentaire: