jeudi 25 février 2010

Le thérémine

Bon. Si les galapiats et autres sacripants veulent bien incontinent (oui, c'est un vieil adverbe par trop méconnu qui signifie illico presto) quitter cette plateforme car je les vois venir: ils sont déjà en train de se gondoler de rire en écoutant ce qui va suivre.
Comme certains le savent, je suis en train de traduire Elven, du Norvégien Ketil Bjørnstad, la suite de La Société des Jeunes pianistes (le titre français nest pas encore définitif), où l'on suit les tribulations musicales, cérébrales et amoureuses du jeune et futur grand pianiste classique Aksel Vinding. Comme certains le savent aussi, j'écoute toujours de la musique en traduisant. Chaque roman a son rythme, son timbre et sa couleur en propre, et donc sa propre musique pour l’accompagner. Un mot porte avant tout un son, après quoi il porte un sens, confer la linguistique, confer la chanson absconse de The Magnetic Fields, The Death of Ferdinand de Saussure : « No understanding, no closure, it is a nemesis. » J'avais déjà posté là-dessus, on peut revoir la vidéo ici. Mais je m'égare…


Min poeng, comme on dit en norvégien:
En ce moment, puisque je traduis un livre sur la musique classique, j'en écoute donc beaucoup. Et j'écoute avec une régularité assez métronomique (hö!) les mises en musique de pièces classiques au thérémine par Clara Rockmore. Au quoi? Demandent les sacripants restés ici. Au thérémine. Non, ce n'est pas une mine à térébenthine, c'est un instrument de musique inventé par le Russe Léon Theremin et c'est surtout le premier instrument de musique électronique de l'histoire. Lénine l'adorait! Qui voyait dans l'instrument la nouveauté consubstantielle de la révolution qu'il venait de parachever. Un art nouveau pour un homme nouveau — comme disaient les avant-gardes de l'époque. Une musique nouvelle pour une humanité nouvelle.
Clara Rockmore était elle aussi Russe de naissance et demeure à ce jour LA grande interprète de thérémine. On la regarde et on l'écoute d'abord jouer le Habanera de ce cher Maurice. Ravel, donc.



Bon, c'est fini de rigoler, oui ?!
Alors comment ça fonctionne ce thérémine? C'est simple. L'appareil envoie des ondes de fréquences hertziennes dont les deux mains du soliste vont moduler respectivement la hauteur et la note - d'où la position un peu crispée de notre chère Clara et ses mouvements de doigts qui lui donne l'impression d'une part de jouer de la harpe, d'autre part de guider un orchestre philharmonique. On peut également avoir l'impression d'entendre de la scie musicale, mais de scie, nenni (re-hö!).
Clara Rockmore n'est pas qu'une seule interprète de thérémine. Avec son inventeur, elle a perfectionné l'instrument dont d'aucuns se sont par la suite emparés au rang desquels, puisque je parlais d'eux il y a peu, les Pixies sur leur morceau Velouria, qu'on écoute pas plus tard que maintenant:



My Velouria - My Velouria - even I will adore ya - My Velouria - even I will adore ya - My Velouria…
Oh, escouzê-moi pour la déranche: j'étais en train de chanter.
Non, je ne me lasse pas de regarder ce clip de 1990 et ce lien assez judicieux entre le trampoline dont il est question ("Hold my hand, we'll trampoline"), le thérémine et le filmage au ralenti des sauts de cabri des membres des Pixies (oj, ça fait beaucoup trop de de); filmage qui donc va de pair avec les oscillations et la plasticité du thérémine d'une part, et les rebondissements et l'élasticité du trampoline d'autre part.

Clara Rockmore, j'ai appris à mieux la connaître (pour singer la formulation allemande kennenlernen) grâce à mon cher ami Aron qui a eu la bonté (comme d'habitude) de me passer le disque qui recense certaines de ses compositions. Je ne peux que le recommander à quiconque voudrait en découvrir davantage, mais toitube constitue déjà une bonne mine. Mais, notre Clara chouchou, je la connaissais grâce à ce disque qui rend intelligent: OHM: The Early Gurus Of Electronic Music, qui liste quant à lui les compositions les plus incontournables des grands créateurs de musique électronique, avant le déferlement de ladite musique dans sa forme populaire qu'on lui connaît aujourd'hui (je parle de la techno). Mes morceaux préférés sur la compilation en question: le Poème Électronique d'Edgard Varèse, le Mutations de Jean-Claude Risset, la Dripsody de Lugh Le Caine, He distroyed her image de Charles Dodge ou Cindy Electronium de Raymond Scott - entre autres. Sur cette somme figurait la Valse sentimentale de Tchaïkovsky, interprétée au thérémine par Clara Rockmore. On l'écoute maintenant.
Un autre jour, je parlerai de l'immmmmmense morceau de musique électronique du Norvégien Arne Nordheim, de 1974, intitulé Polypoly et qui dure 21'41''. Mais d'abord, revenons à Clara Rockmore:


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