mardi 2 février 2010

La culture, la Église, la Europe et le Pape

Grâce au blog de Jean Quatremer, le correspondant à Bruxelles de la Libération, on apprend que ce cheeer président du Conseil de l'Europe, le Belge Herman Van Rompuy, a prononcé un remarquaaable discours à Paris le 25 janvier dernier, dans le cadre d'un colloque de l'Alliance Française. Il s'agissait pour lui de donner son avis ô combien éclairé sur notre époque si moderne, si numérique et si mondialisée et de se demander si "l’âge du numérique est favorable ou défavorable à la culture en tant que telle". Jusqu'ici, tout est bel et bon - même si le débat est légèrement éculé, mais c'est une autre histoire. Après quelques banalités confondantes sur "le particulier et l'universel", Van Rompuy dégaine son kalachnikov catho-culturello-crétin. Je cite:



Les deux premiers moment d’unification européenne ont été, d'abord, la Chrétienté latine du Moyen-Age, puis la République des Lettres du XVIIIème siècle. (…)
Du XIIème au XVème siècle, la chrétienté latine était unie religieusement et donc culturellement. Partout en Europe, la foi chrétienne structurait la vie quotidienne. Pensez aux prêtres qui célébraient la même liturgie dans la même langue, aux évêques et évêchés, au pape comme chef de tous les croyants. Partout, les gens de culture utilisaient le Latin et disposaient des mêmes références intellectuelles : la Vulgate, les pères de l’Eglise, Aristote, ses commentateurs arabes, la jurisprudence romaine. Partout, du XIIIème au XVème siècles, les écoles et les universités avaient le même programme. Partout, dans les arts plastiques, la tapisserie et la peinture, l’inspiration venait des mêmes modèles ; l’architecture gothique était pratiquée sur tout le territoire de la chrétienté latine. Quand on y pense bien, c’était une vraie standardisation culturelle! (…)
 La Renaissance a préparé cette période quelques siècles auparavant. On oublie souvent que la Renaissance, la science et la philosophie modernes, sont nées dans un cadre chrétien. A part quelques exceptions, dont Galilée, avec le consentement de l'Eglise.


La dernière phrase est immense. Avec son euphémisme, quelques exceptions près", Van Rompuy semble balayer d'un revers de main des siècles d'inquisition, comme si celle-ci n'était au fond, pour reprendre un grand mot d'un sinistre et borgne politicien français, "qu'un détail de l'histoire", d'oublier le scientisme et l'obscurantisme viscéral de la religion chrétienne prompte à envoyer ad patres quiconque pensait hors de son cadre chrétien; et ce bien sûr sans parler de la chasse aux sorcières qui s'en prenait à tous les prétendus déviants (juifs, homosexuel(le)s, femmes un peu trop libres, originaux, vagabonds, gens du voyage, etc. - nous, quoi; et moi le premier).
Et plus encore, nous informe Jean Quatremer:


Car l'originalité de l'Europe non orthodoxe est de s'être construite contre la toute-puissance de l'Église : l'élite intellectuelle et politique européenne n'a eu de cesse de la renvoyer au royaume des cieux, de séparer très clairement la sphère publique de la sphère religieuse (ce que n'a pas fait l'orthodoxie et ce qui explique en grande partie qu'aucun pays orthodoxe n'ait réussi à bâtir un État moderne, comme le dit très justement l'historien Krysztof Pomian). Bref, il faut un sacré culot pour affirmer que l'Église ne s'est pas opposée à la modernité alors que c'est l'exact contraire qui est vrai.


Hasard (ou pas?) du calendrier, la veille, le 24 janvier 2010, ce tout aussi cher pape Benoît XVI intervenait sur un sujet plus ou moins similaire, à savoir "le prêtre et la pastorale dans le monde numérique". Ça promet, se dit-on in petto. En gros, le pape affirme que, oui, évidemment, Internet est génial pour parler du Christ - c'est à se demander, confer supra, par quelle pirouette intellectuelle le pape réconcilie scientisme et informatique, inquisition et progrès scientifique. Ça nous chagrine de devoir inclure dans ces pages des phrases papales, mais ce paragraphe du discours est tout de même grandiose, dans son charabia pseudo-moderne et pseudo-scientifique (ah! l'usage des mots compliqués quand on n'y comprend rien mais qu'on veut épater la galerie), et avec son air de ne pas y toucher:


Toutefois, la multimédialité généralisée et la «palette variée de fonctions» de celle-ci peuvent comporter le risque d'une utilisation dictée principalement par la pure exigence de se rendre présent, et de considérer de façon erronée le web seulement comme un espace à occuper. Par contre il est demandé aux prêtres la capacité d'être présents dans le monde numérique dans la fidélité constante au message évangélique, pour exercer leur rôle d'animateurs de communautés s’exprimant désormais, toujours plus souvent, au milieu des «voix» provenant du monde numérique, et d’annoncer l'évangile en se servant, à coté des moyens traditionnels, de l'apport de la nouvelle génération des moyens audiovisuels (photos, vidéo, animations, blog, sites web) qui représentent des occasions inédites de dialogue et même des outils indispensables pour l’évangélisation et la catéchèse.

Alors, puisque tout ça nous fait bien rire, rions vraiment grâce à ce sketch qui, lui, n'a pas pris une ride.


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