mercredi 7 octobre 2009

Thomas Bernhard

Voilà plusieurs semaines que je ressasse cette phrase de Thomas Bernhard, extraite de Le souffle – Une décision (où l'auteur évoque son séjour dans un hôpital à l'âge de dix-huit ans consécutivement à une pleurésie):
Un malade est un voyant, personne d'autre n'aperçoit plus clairement l'image du monde.
À l'époque de la lecture du livre, en 1994, j'avais déjà souligné cette phrase; et j'ai constaté avec stupeur quand je l'ai redécouverte qu'elle n'avait pas perdu, à mes yeux, en vérité. Or cette phrase, aujourd'hui, j'ai "envie de la balancer" (pour paraphraser Hervé Guibert qui a écrit cette phrase dans je ne sais plus quel roman - et je ne le cite pas par hasard, lui, le grand admirateur de Bernhard, le grand doloriste). Il y a quelques semaines je pensais comme Thomas Bernhard et aujourd'hui j'en viendrais presque à dégobiller si je devais prononcer cette phrase à voix haute.

Le problème, c'est qu'on ne peut pas citer Thomas Bernhard, on ne peut pas extraire une phrase de Thomas Bernhard au risque, pour le coup, de la sortir de son contexte (souvent, quand on affirme ça, "mes propos ont été sortis de leur contexte", c'est parce qu'au fond on regrette d'avoir prononcé une phrase qui se révèle être vraie de soi au monde alors qu'on la veut fausse de soi à soi - trop tard). Les phrases de Thomas Bernhard se lisent dans le tourbillon d'une pensée en mouvement, laquelle continue de réfléchir au fur et à mesure qu'elle se verbalise. Mise en exergue, une phrase de Thomas Bernhard devient forcément tronquée, réductrice.
Mais alors, pourquoi trouvais-je il y a quelques semaines encore (et toujours 15 ans après) cette phrase si pertinente?

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